Post Rock, Post Metal Doom, Sludge, Trip Hop, Prog, Mathrock, Chaotic Hardcore. Des mots tout cela, des étiquettes. Laissez-vous guider par mes émotions. Orienter les vôtres et vous donner de quoi rêver. Planer ou encore vous déchaîner.

Depuis l’an passé, la Suisse est un pays qui a pris une ampleur importante dans mes écoutes. Et ce dans tous les styles. Partant du prog psyché d’Ogmasun, le chaotic hardcore de Coilguns ou MONTECHARGE, le post metal d’Ølten ou encore le stoner progressif de Monkey3, il y en a pour tous les goûts. Alors quand l’une des extra-terrestres de cette scène en pleine expansion, à savoir Émilie Zoé, s’entoure de Franz Treichler des Young Gods et du talentueux batteur Nicolas Pittet, pour créer le projet au patronyme étrange avec cette lettre A entre des barres représentant plus un dessin qu’un nom et donner naissance à un opus à la fois expérimental et osé, en plus sous les labels Hummus Records et Two Gentlemen, on sait d’expérience à la rédaction de NMH que l’on a affaire à une bombe.

Et c’est effectivement le cas. Mais pas forcément comme on pourrait l’entendre. /A\ est une sorte de chimère influencée par les ramifications posées il y a vingt-cinq ans par des Portishead ou encore le rock alternatif des Young Gods, justement. Certains y verront également des relents belges à la dEUS, Venus, Ghinzu… ça va, vous avez compris vers quoi on va ?

Si un sentiment prévaut à la première écoute, ce serait une forme d’érotisme sonore. Le blues ouvre la porte de la chambre avec « Hotel Stellar ». Une superbe inconnue m’y attend sans même m’annoncer son identité. Elle me susurre un chant enlaçant et excitant. Une mélancolie s’y cache pourtant. Je décide de m’asseoir sur la chaise face à elle. Son rimmel a coulé en laissant des traces noires autour de ses yeux verts. Je me dis qu’elle est belle. Ses propos sont confus. Elle me parle d’un grain de sable et de boue. « Grain Sand And Mud » est cet accent pop, qui plaît tant à l’artiste suissesse. Ce rythme oblige mon hôte infortunée à se lever et s’approcher de la fenêtre aux tentures tirées. Je lis sur ses lèvres une inquiétude grandissante de seconde en seconde. Elle se tourne vers moi et m’invite à la rejoindre. Et là… je, elle, tout bascule.

« We Travel The Light » part des méandres expérimentaux, où la lumière explose mon regard pour m’absorber dans un monde qui n’est plus le mien. La seconde moitié de ce morceau est un délire à lui seul. C’est l’angoissant « Fire In My Fingers » et son riff saccadé, me rappelant tant Portishead avec ce relent trip hop que j’affectionne tout particulièrement qui résonne dans mes oreilles. La belle me tient la main et je me retrouve assis sur un siège d’église et ligoté. Bâillonné. Elle est debout devant moi dans sa robe aussi noire que les murs. L’érotisme atteint son sommet lorsqu’elle s’installe à califourchon sur moi. L’excitation m’envahit, mais les choses ne vont pas tourner comme je le pense.

Des notes douces s’emparent de l’ambiance. « Count to Ten » laisse la voix d’Émilie s’exprimer à travers les lèvres de ma belle inconnue. Et malgré la douceur du ton, une inquiétante angoisse monte en moi. Ce que j’aurais pris pour de la séduction serait-il un piège ? L’intriguant trip hop « The Leaves » me laisse croire que je pressens juste… Je ne suis pas en train de me faire séduire, mais de me faire assassiner. Une pression contre mon cœur retentit au rythme de la musique. Comme un million de petits poignards me transperçant. Le sang ne s’écoule pas, mais il quitte tout de même mon corps. Le chant de cette femme se révèle dans le meurtre de mon corps.

L’instrumental « Our Love is Growing » conclut de manière sensuelle sur un blues rock des plus érotiques. Oui, comme je le disais en début d’article, la sensation de tension sexuelle est exacerbée dans ce final des plus intenses. De mon côté, ma belle inconnue a percé de mille trous mon cœur pour l’emporter avec elle. Elle a aussi enlevé le sien et les fait se mélanger dans l’amour de nos veines. Vous n’y voyez pas le rapport ? Il est pourtant très profond… (C’est vicieux, reconnais)

/A\ m’ a permis de refaire un exercice que j’avais un peu laissé de coté ces derniers temps dans mes écrits. Celui de faire une chronique semi imagée comme je les aime et m’immerger complètement dans un opus captivant, délirant, asphyxiant de sensations et d’expérimentations. Les trois musiciens helvètes créent un univers qui n’est pas sans rappeler le trip hop des années 90 et ses gloires passées, sans oublier d’y incorporer leurs personnalités qui s’entremêlent à la perfection. Au final, n’avais-je pas raison de parler de tension et de sous-entendus copulateurs  ?

Bonne écoute (et pour ceux qui veulent tester l’album dans des conditions intimes, faites-vous du plaisir)

  • Tiph

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