Rédacteur en chef et Fondateur de NMH. Spécialisé dans le post-rock, l'ambient, le post-metal, le psychédélique et la musique progressive en général.

Un corps allongé dans l’eau, inerte, mais beau. Est-il vivant? Est-il mort? Nul ne le sait. Pourtant, il est là, il flotte les yeux fermés, paisible et apaisé.

Cette pochette très inspirante et évocatrice éveille en moi des émotions cachées que je ne ressens qu’à l’écoute de la musique minimaliste et drone. Ca tombe bien puisque Fargue est un duo. L’un est Finlandais, l’autre Suisse et leurs univers se marient à merveille pour donner quelque chose de très sombre et pourtant très apaisant. Après un premier E.P. sorti en 2020 intitulé Phosphène, le duo est de retour avec un premier L.P., Ruines, Irradiées, déjà très profond.

La musique introspective des deux artistes permet de se plonger dans le même lac, calme et froid, que le corps dépeint sur la pochette. On ne distingue qu’une partie des jambes et les pieds, mais on s’imagine bien plus. On se pose des questions. On invente. On délire. C’est le pouvoir de l’art minimaliste, il laisse la place à l’évocation personnelle. Et je ne suis pas étonné de lire sur la page Bandcamp du groupe qu’une place a été laissée à l’expérimentation improvisée. Elle se ressent dans l’écoute et, malgré cela, les musiciens ne se perdent jamais, ils parviennent toujours à retrouver leur chemin.

Angoissant par moments, exaltant à d’autres, Ruines, Irradiées est un disque globalement sombre, mais totalement réfléchi. Le duo sait où il veut vous emmener et ce sera à vous de leur faire confiance jusqu’au bout. Car la musique drone, presque méditative, n’est pas dénuée de climax. En témoigne « Notre espoir nous consumera » qui, malgré son essence minimaliste, parvient à vous garder en haleine avec ses rythmiques tribales et son atmosphère étouffante.

Afin de renforcer la profondeur des compositions et d’y apporter une touche expérimentale supplémentaire par rapport à leur premier E.P., le duo est accompagné de Lee Fisher, batteur de session aux percussions calibrées au millimètre même s’il n’en donne parfois pas l’impression. Il procure à certaines compos, comme « Lettre à ceux qui ont disparus », une sensation de mysticisme et me replonge dans mon premier amour avec le genre avec Nonland de Aidan Baker & Karen Willems, quel plaisir de retrouver ces sensations. Fargue se rapproche en effet du jazz minimaliste et expérimental sur certains morceaux tout en restant sur le territoire drone avec une maîtrise indubitable.

Ruines, Irradiées est un voyage. Il ne s’écoute pas avec légèreté, il faut s’attendre à se plonger profondément dans les tréfonds de son âme à son écoute. Il demande les bonnes conditions, le bon moment et le bon état d’esprit pour être apprécié à sa juste valeur. Afin que les nombreuses basses vous touchent là où les musiciens veulent vous toucher, vous devrez vous installer confortablement et épouser les formes de votre fauteuil en fermant les yeux. Alors, peut-être ressentirez-vous les mêmes sensations que ce corps qui flotte depuis on ne sait quand…

  • Guillaume

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