Et si ce soir, je vous contais la fin du monde. Le monde tel que nous l’imaginons, chacun dans notre imagination. Si ce soir n’était pas un simple réveillon de nouvelle année mais bien le réveillon de la fin du monde, ou plutôt devrais-je écrire « la fin des Mondes », quelle en serait la bande-son ? À l’heure où je pose ces mots, c’est-à-dire le 30 décembre, 19h06, il est probable que ce Collide & Merge des flandriens de Hemelbestormer soit l’œuvre ultime pour une dernière tempête de ciel avant le grand final de ces Mondes.
Troisième LP pour le groupe flamand, toujours aussi discret qu’aimable dans ses personnes, aussi sage que puissant sur scène, aussi destructeur qu’envoûtant dans leur univers. Au fil des années, le groupe prend cependant de plus en plus d’assurance et assume son statut de mastodonte du post metal en Belgique. Et ce nouvel opus paru chez Vàn Records permet d’ailleurs à Hemelbestormer de s’élever encore plus haut dans son art, plus loin dans sa Terre, plus profond dans son (ou ses) Monde(s).
Le ton est donné d’entrée de jeu avec le titanesque « Collapsar ». Dix-huit minutes de mélodies puissantes, lourdes et ponctuées d’une partie plus ambiante où l’on a aucune difficulté à s’imaginer dans ces montagnes du visuel, sous la pluie en attendant que l’orage éclate. La nature donne, la nature reprend. Tout cycle a un début et une fin. Ce titre résonne en moi comme la fin d’une ère, d’une époque où s’entremêlent colère, désespoir et envie de survivre. Tellement bien construit que l’on ne réalise pas que près de vingt minutes viennent de s’effondrer sous nos yeux.
Contrairement à ses prédécesseurs, le visuel de cet album est une véritable photo. Oui, je sais, cela paraît fou tant le paysage dévoilé semble tout droit sorti d’un Tolkien ou Herbert mais il existe bien. Il s’agit d’un cliché de l’artiste roumain Arthur Kornovics, qui a capturé un moment de cataclysme en devenir dans la chaîne de montagnes Rodna. Les Carpates ont toujours été pour moi Terre d’inspiration, c’est le centre de l’Europe avec toutes les légendes qui en découlent. Les ténèbres paraissent souveraines dans cette vision et il est intéressant de l’observer sur « In Praise Of the Sun ». Titre le plus « radiophonique » oserais-je l’appeler de la sorte. La photo dégage une onde tellement étouffante que l’on arrête de respirer sans même s’en rendre compte.
En étude spatiale , un « Quasar » est une source de rayonnement lumineux gravitant autour d’un trou noir. Pour rappel, un trou noir de son côté absorbe toute lumière et tout objet gravitant autour de lui. La composition d’Hemelbestormer est ce quasar. Très sombre par rapport à ce que fait le groupe « d’habitude », ce titre de douze minutes prend vie dans le sombre, le mal et le vice. « Quasar » est un torrent dévalant un plaine à la vitesse du son, la lumière ne filtre en rien. L’éponyme et mélancolique « Collide & Merge » offre un peu de répit avant la dépression atmosphérique « Void » mais surtout les toutes premières notes de chant sur un titre du groupe. Et pas n’importe lesquelles car il s’agit de Michelle Nocon (Of Blood and Mercury, bien connu sur le site de NMH puisque nous les suivons de près). La sensibilité et la douceur de ses cordes se mélangent à perfection à l’ambiance. Cela me rappelle son ancien groupe Batsheba, je vais me réécouter cela sous peu, tiens.
« Void », justement, mélange une ambiance presque virevoltante vers le black, en y incorporant un riff presque post-punk. Accompagné de soin clip, cette composition est la plus intense et la plus compacte de l’album. Comme si un météore écrasait tout sur son passage et explosait tout dans les montagnes, entraînant ainsi la fin de mille Mondes. Je connais de nombreux groupes belges. Peu atteignent ce niveau de lourdeur. Si vous aviez le sentiment d’étouffer, « Void » est totalement asphyxiant.
À la fin, on est sur les rotules. Si cette fin des Mondes est une aubaine tant on est écrasé et désintégré par la puissance dantesque de cet effort, il reste à finir en beauté. « Decoding the Light Vault » va tout simplement faire effondrer les mille Mondes et réduire tout à néant. Le final est digne d’un « Stones From the Sky » de Neurosis où le ciel nous tombe sur la tête. Il ne reste plus âme qui vive à l’issue de ces treize minutes de destruction programmée. On aura le temps de voir l’univers s’écrouler dans cette fin. L’épilogue « Portals IIII » s’apparente à l’après-chaos, dans un vortex où tout reste à (re)construire. Les racines de Hemelbestormer se trouve également dans le drone. Le groupe nous offre cinq minutes lancinantes pour partir… ou rêver de nouveau à une fin du Monde, c’est selon le choix de chacun.
Et si ce soir, vous vous contiez la fin des Mondes en réveillonnant? Et si ce soir, la fin d’un monde ouvrait la porte sur un autre, serait-il plus ténébreux ? Plus lumineux ? Plus écrasant, plus étouffant ? Plus aérien et céleste ? Collide & Merge de Hemelbestormer est tout ces adjectifs à la fois. Cette bande-originale de la fin du Monde, des Mondes et du Temps pourrait être mes derniers mots avant l’effondrement, j’en serais très fier de l’avoir écrite. Un opus qui marquera leur carrière comme un point culminant. Mais adepte des mondes parallèles et multidimensionnels, je ne suis pas convaincu qu’ils ont tout dit. Même mieux, je suis sûr qu’ils iront encore plus loin dans les confins de la planète ou au fin fond de l’univers dans l’avenir.
Dernière précision et non des moindres: le digipack s’accompagne d’un second CD avec quatre reprises dont une des Cure… Rien que ça !
Bonne écoute.
🖋 Tiph