Le fin fond du monde. Le monde que nous connaissons, la Terre qui nous abrite. Au-dessus de nos yeux, le ciel interstellaire. On peut observer à 360 degrés et voir des multitudes de milliards d’étoiles, de constellations, d’autres galaxies et voire, qui sait, d’autres univers. Les Australiens d’Adnate nous proposent une immersion dans ce ciel où se côtoient les chimères et les démons, à travers un album philosophique, cathartique et empreint d’une spiritualité autre que celle que nous connaissons à travers les religions : la spiritualité de notre âme, ce bout de souffle que l’on passe parfois toute notre vie à chercher en vain. Astral Propagation nous invite à fermer les yeux et placer son corps en mode automatique, guidance par les mélodies, les atmosphères et le son.
Second album pour le groupe originaire de Queensland en Terre Rouge, l’un des bouts de terre les plus éloignés sur le globe où la vie s’est développée envers et contre tout il y a de cela des milliers d’années. L’Australie fascine autant qu’elle effraie, répugne. L’Australie est terre de dangers. Pour Adnate, elle est source de création et de puisement dans ses sens. Le premier album Neo-Dryas, paru en 2018, m’avait déjà surpris par la qualité de transmission émotive. On oscillait entre du post-metal agressif et du rock psychédélique prés très éloigné d’un Pink Floyd par exemple. Soulignez cela avec un superbe artwork et vous obtenez un disque à posséder absolument.
Trois années ont passé et Adnate a durci le ton pour transmettre ses émotions. L’ambiance est descendue de quatre crans et on plonge dans le sombre à travers un post-metal plus noir et teinté de black metal dans l’esprit. Dans les faits, on est plus proche de Cult of Luna, sans toutefois tomber dans le plagiat bien entendu. Mais c’est le même type de lourdeur qui attend l’auditeur. Et bien qu’il ne comporte que trois morceaux, Astral Propagation s’étend sur près de cinquante minutes. C’est dire la densité de ceux-ci, je vous préviens, les vibrations vont être sulfureuses.
« Voidcaller » débute sur un clavier lancinant qui prendra le temps de s’installer et de créer l’aura, la bulle qui va entourer l’opus. La suite est très doom sludge, très ambiante. Une voix d’outre-tombe vient ensuite tout rafler sur son passage. Une voix morte, hurlant ce qui lui reste de vie. Quinze minutes presque emplies de haine dans un voyage très lent, lorgnant sur le doom death. Pour les initiés, on est proche d’un CHRCH ou Monarch !. Le riff final est un pur arrache-coup.
« Ethereal (Visions//Manifest) » s’étend sur vingt minutes sans jamais lasser l’auditeur. À vrai dire, on sombre dans une transe tant le rythme le requiert. L’intro acoustique annonce une partie un peu plus progressive sonnant tout de même sludge, aventureuse, calme et mélodique, ce qui n’est pas pour me déplaire, loin de là. Quand vient la dépression atmosphérique, on la prend en pleine face. Cela plante le décor très ritualisé qu’Adnate développe tant dans sa musique que dans son esthétique. À ce sujet, le visuel fait écho à certaines œuvres black metal du passé, en y ajoutant une pointe de spiritualité plus aérienne. L’homme qui passe le portail s’élève-t-il ensuite ou est-ce une invitation à s’élever ? Et vers où ? Propagation astrale nous dit le nom de l’album. Avec les bonnes herbes, nous pourrions en discuter de longues heures et nous envoler très haut.
Il reste ensuite plus de quinze minutes avec « Symbiotic ». La vénération est au centre même de la composition (et de l’album en général, ceci dit) puisque la prière en des cieux ancestraux y est abordée, comme un constat de notre propre humanité ratée, désolée et condamnée. À cet instant de l’album, plus aucune lumière ne filtre dans l’univers d’Adnate. Seul le chaos règne et les parasites que nous sommes sont amenés à disparaître. Je m’appuie sur les paroles de ce morceau pour avancer mes dires. À ce propos, vous pouvez écouter tout cet album avec la vision de Rob Hammer, qui a mis en scène Astral Propagation à travers un film d’animation très fantasmagorique et robotique. Cet Hollandais passionné de doom aime donner vie à des œuvres musicales. La spiritualité d’Adnate est parfaitement retranscrite dans sa vision et permet une autre approche de l’oeuvre.
Le rituel auquel j’ai assisté durant les trois morceaux d’Astral Propagation m’ont motivé plusieurs fois à remettre le couvert avant de passer à la phase d’écriture de cette chronique. Bien que les morceaux soient plutôt construits sur l’intensité que la complexité, il m’aura fallu quelques écoutes pour écorcher un peu son essence. Astral Propagation est un opus réclamant mal-être intérieur et lourd poids d’épaule pour s’enfoncer dans les ténèbres ou se projeter dans le noir, le néant absolu des constellations nous surplombant depuis les cieux. Le genre d’album que l’on réécoute dix ans plus tard et que l’on ne saisit toujours pas tout son sens. Le mysticisme et la spiritualité dans leurs grandes définitions, en somme.
Bonne écoute
- Tiph
Thanks for the review, greatly appreciate it. The animation was done by our Bassist/Vocalist Blaise Clement. Rob Hammer was kind enough to promote it.
Thanks again,
ADNATE.