Le colosse du jazz expérimental est de retour, un peu plus de deux ans après The Epic. Mais on ne lui en veut guère pour l’attente ; cette mouture fût phénoménale dans tous les sens du terme, avec trois CDs pour presque 180 minutes de musique incluant moult influences et surtout en développant encore plus son propre style. Dithyrambique, vous dis-je. Qu’on se le dise, Kamasi Washington est l’artiste qu’il faut impérativement suivre pour peu que le bebop progressif et aérien fasse bouillir tout votre être.
Ses collaborations sont d’ailleurs hallucinantes. Jugez plutôt : Wayne Shorter, Herbie Hancock, Lauryn Hill, George Duke. Ou bien encore Kendrick Lamar, Thundercat, Flying Lotus, voire récemment sur le psychédélique et spatial Astral Progressions de Josef Leimberg. De grands noms qui ne font que souligner le talent avec lequel Washington transcende ses phrasés de saxophone.
Harmony of Difference apparaît donc dans un format pour le moins grisant en forme (6 morceaux pour à peine 30 minutes) mais ahurissant sur le fond. Véritable hommage au « spiritual jazz » des années 60 comme l’était clairement déjà The Epic, la galette est en fait une suite de six mouvements basés sur la richesse de la différence, définition en musique du « contrepoint ».
De cette superposition de différences (rythmique, harmonique ou mélodique) va jaillir une musique d’une richesse inouïe, où la complexité a presque été balayée. C’est en cela que le travail fût immense. Kamasi Washington parle de sa démarche comme “l’art d’équilibrer la ressemblance et la différence pour créer l’harmonie entre des mélodies distinctes.”
« Truth », qui remplit à lui seul la deuxième face du vinyle, est à n’en point douter l’un des plus beaux morceaux jamais composé de toute l’histoire du jazz. Supposer d’autres superlatifs ne fera que vous gâcher le plaisir de découverte. Sachez simplement que « Truth » fût pour moi une renaissance et qu’il a marqué à tout jamais ma passion pour la Musique et l’orientation de mes écoutes aujourd’hui. En outre, le cinéaste espagnol A.G. Rojas a d’ailleurs réalisé un superbe portrait des habitants de Los Angeles sous la houlette du morceau que je vous invite à déguster ci-dessous. (EDIT Juin 2020 : vidéo indisponible aujourd’hui, remplacée par l’audio uniquement…)
En conclusion, la grandeur et l’élégance de Harmony of Difference vont à coup sûr lui permettre de traverser les âges et le hisser au même rang que The Epic ; deux œuvres charnières dans l’histoire du jazz dont il serait presque odieux de négliger. Mission accomplie Charlie Bird Parker, tu peux continuer à reposer en paix, nous avons trouvé un énième successeur.
- Alessandro