Post Rock, Post Metal Doom, Sludge, Trip Hop, Prog, Mathrock, Chaotic Hardcore. Des mots tout cela, des étiquettes. Laissez-vous guider par mes émotions. Orienter les vôtres et vous donner de quoi rêver. Planer ou encore vous déchaîner.

“I’ve seen things you people wouldn’t believe… Attack ships on fire off the shoulder of Orion… I watched C-beams glitter in the dark near the Tannhäuser Gate… All those moments will be lost in time, like… tears in rain. Time to die. »

Cette citation que l’on entend sur le morceau d’intro de cet album provient du géantissime Blade Runner (1982 – Ridley Scott, Harrison Ford), lui-même fortement inspiré du bouquin « Les Androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? » d’un autre géant, le Maître Philip K. Dick. Certainement l’un des auteurs m’ayant le plus inspiré dans mes propres écrits. Il ne m’en fallait pas plus pour me donner envie de me pencher sur ce Time To Die de l’artiste strasbourgeoise Christine Ott. Et c’est un temps hors du temps que je vais vous proposer en sa compagnie à travers mes lignes.

Le Monologue des Larmes dans la Pluie. Ainsi est nommé le discours final du Replicant Roy Batty dans le film et tire sa spécificité dans le fait que son interprète, l’acteur Rutger Hauer a modifié le script original prévu en le transformant et improvisant cette tirade. Ainsi à l’écran, c’est littéralement une mort véritable que l’acteur a incarné. Ce moment est d’ailleurs considéré comme l’un des plus émouvants de l’Histoire du Cinéma. Ce que j’en perçois dès la longue introduction de huit minutes qui ouvre l’opus, c’est vraiment ce ressenti d’étouffement, de résignation, de dépression et ce quelque chose de mortuaire dans laquelle on va plonger, pour en tirer le plus de mélancolie possible, comme si cette pluie dans l’orage contenait toute la mort du monde.

« Brumes » est d’ailleurs ce témoin de morte vibration qui va convaincre d’aller plus loin et se laisser emporter à travers les gouttes de cette pluie corrosive. Christine Ott laisse exprimer ses mains via son piano et l’émotion prend rapidement le large sur ma course effrénée pour vivre chaque seconde. Le silence s’impose autour de moi, même les cliquetis du clavier ne font plus de bruit face à cette symphonie minimaliste que la musicienne française crée. Comme si les derniers mots de Roy Batty étaient émis en cendres humides de larmes, face à un deuil annoncé. Six minutes et quarante-cinq secondes pour enterrer tout souffle de vie.

La suite prend de plus en plus d’ampleur, en restant dans un minimalisme épuré avec « Landscape ». Au piano viennent s’ajouter des voix célestes, douces et pourtant empreintes d’une amertume saisissante. La résignation de vivre ? La découverte derrière le grand mur, dans ce lent et long voyage que vient d’entreprendre le Replicant ou comme n’importe quel autre être devra le faire un jour ? J’aime parler de Roy Batty comme s’il existait car il dégage une forme d’humanité et d’envie de vivre dans ce discours robotique et humanisé à la fois. Le sublime « Chasing Harp » va continuer de nous transporter vers cet univers délicat et alambiqué. Christine Ott maitrise la technique des Ondes Martenot, une sorte de piano mélangé et relié avec les fréquences d’un thérémine, produisant des sons presque astronomiques et dissonants par moments, mais toujours dans une harmonie céleste. Pour être franc, je ne connaissais pas bien cet instrument. Je découvre, grâce à Time To Die, toute la magnificence que cet objet peut procurer.  

Il s’agit du quatrième album solo de Christine. Mais attention, l’artiste est très loin d’être novice dans la musique. La liste de ses collaborations est longue, variée, déroutante et part dans tous les sens. Elle est en quelque sorte, un parfait reflet de son label Gizeh Records, éclectique et audacieuse, passionnée et intentionnée. Douceur et atmosphère sont des maîtres maux (orthographe volontairement choisie) tant dans les choix du label que dans l’ambiance et l’atmosphère que je vis en vous contant les morts de Roy. Car sur chaque morceau, j’ai presque le sentiment de la revivre indéfiniment cette scène.

« Horizons fauves » est de nouveau une petite mort à lui seul. Les parties piano dégageant une sincérité typée classique, des arrangements aux alentours de cette bulle l’englobent pour créer un souffle qui éteint désormais les lumières de mon salon. « Comma opening » illustre ce noir et les sensations « thérémiesques » m’envahissent. Vous comprendrez aisément mes mots (cette fois, oui ce sont mes mots) en écoutant cette piste au calme et dans le sombre. Mais si là, je ne suis pas dans un songe, alors j’ai moi-même atteint ce grand mur, comme Roy. Les fréquences se mêlent à mes cardiaques émotions durant ces sept minutes hors époque, hors temps et hors champ visuel. La poésie continue d’exister à travers l’introspection que me propose « Miroirs ». Je me sens comme emprisonné par quatre notes de piano, encerclées de verre réfléchissant. Me renvoyant ma propre image, ma mortalité égale à celle du Replicant. Au final, on se demande qui est le plus humain dans cette histoire de Blade Runner, non ? Le piano résonne dans ma tête pendant tout cet instant tanné de spleen.

Et pour en finir avec cette boucle de vie, autant la terminer comme elle a commencé. Dans la « Pluie », les ondes, la fréquence et ses vibrations. Nous avons diffusé en exclusivité ce morceau ce dimanche dernier sur les ondes YouFM. Les accents thérémiesques (je décrète que le terme existe), les orchestrations et tout le travail en amont, en sous-couches de cette composition sont un ersatz d’émotions, de fin de cycle et de vie. Cela se termine comme cela doit se terminer. Dans la douceur, le silence, la mélancolie et cette dépression acceptée. Comme Roy accepte son destin si cruel et crucialement placé sous cette pluie acide.

Time To Die est une œuvre appelée à l’intemporalité, à la marginalité. Tellement inclassable et subjective qu’elle ne peut pas laisser quiconque indifférent. Chacun peut y travailler son conte (à nouveau, orthographe sélectionnée). Je me suis laissé absorber par l’œuvre de Blade Runner ,mais d’autres grandes histoires auraient aussi pu être inspirantes. L’an passé en 2020, Je fus tellement surpris par les orgues d’Anna Von Hausswolff et les sentiments qu’elle avait créés dans mon être interne. À tel point que je l’avais classée seconde dans mon top 20 de l’année. 2021 est encore long mais je pense que je connais déjà au moins une pépite qui va entrer dans mes cinq albums favoris cette année.

Bonne écoute.

  • Tiph

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