La Mère. Maman également et plus communément utilisé de la sorte. Un mot, un nom comportant des significations, des sens positifs ou négatifs. Le mot qui nous donne la vie, sans lequel l’humanité ne serait pas. Peut-être plus encore plus que le Père. L’un des deux premiers mots que nous prononçons. Parfois l’un des derniers. Tellement déclinable à toute espèce respirant sur Terre. Tout Homme, tout animal a une mère. On parle aussi de mère nature, la mère du peuple, la mère tout puissante, la mère destructrice. La mère de toute chose.
Cela peut sembler anodin. Donner « Maman » ou « Mère » au nom de son groupe peut avoir tant de superlatifs et d’interrogations. Mais n’est-ce pas là l’intérêt de l’art ? Susciter le questionnement. Après tout, le concept de mère, et ce contrairement à ce que l’on veut nous faire avaler, n’est pas toujours positif. Souvenons-nous du Mutter de Rammstein dépeignant une mère abusive, castratrice et violente, le « Mother » de Pink Floyd sur The Wall, trop protectrice et empêchant son enfant de voler de ses propres ailes. Qui aura des conséquences sur la fin de l’histoire d’ailleurs.
Dans ce cadre présent, on dirait que nous avons affaire à une mère omnipotente, omnisciente, pas forcément malsaine, mais pas non plus bienfaisante. Une mère dépressive et emplie de peines, de souffrances à expier. Pourtant, cette mère tient la vie entre ses mains. Les trois musiciens flamands de Mother sont ses instruments pour exprimer ce mal latent qui la ronge. Les 43 minutes et 50 secondes de ce premier opus sont sa complainte.
Vous faire une description titre par titre n’a pas d’intérêt, ni même une essence. Il y a « Mother I.I » jusque « Mother I.VII » et forme un ensemble, un bloc qu’il faut écouter en une fois. D’un point de vue sonore, là aussi c’est assez complexe. Laissez-moi vous guider avec mes sensations. L’aura que dégage Amenra mêlée à la puissance de Der Weg Einer Freiheit avec les subtilités dérangeantes que les Lituaniens d’Autism peuvent intégrer, la sensation aérienne que Solstafir peut procréer. Mother est cet hybride intriguant, envoûtant et émotionnellement juste. Le cœur est au centre de cet album, car sans cœur ni mère, aucune vie n’est possible. Il y a cette touche de black, cette touche de post-rock, de shoegaze. Les morceaux s’enchaînent et s’entremêlent, alternance de chant et de cris désespérés. Cette mère ne semble pas bien, sa survie ne dépend peut-être même plus d’elle.
Le trio ostendais lui donne sa forme la plus brute et la plus introspective qui soit. Chaque note de basse est vibrante, les riffs de guitares lancent ou éteignent toute vie sur chaque piste et la batterie semble impartiale à cet état de fait. En live avec l’écran géant derrière, on doit réellement approcher de ce qu’Amenra a développé dans sa carrière, sans les copier cependant. Ils étaient venus jouer au MCP Apaches à Fontaine-l’Evêque il y a quelques mois. Je n’ai pu assisté à ce show et je le regrette amèrement à l’écoute de ce I. Mais la vie est ainsi faite. Cette avant-première est un bon rattrapage mais les revoir en si petite audience et profiter de l’expérience sera plus compliquée ou nécessitera plus de kilomètres à parcourir.
En parlant de parcours, celui de Mother ne fait que débuter et il possède toutes les capacités pour s’imposer comme une valeur sûre dans le paysage belge. #thisismotherspeaking ponctue chacune de leur communication sur les réseaux sociaux. Cela semble presque dictatoriale, comme une marque de détermination, un slogan auquel l’auditeur doit se soumettre. En ce qui me concerne, je fus soumis dès la première écoute de I.
Bonne écoute.
- Tiph