Le packaging de l’édition Deluxe de Babel, dernier album de Ranges, est absolument incroyable. En témoignent les photos que nous vous avons préparées pour illustrer l’interview que j’ai eu l’honneur de mener avec CJ, membre très sympathique du collectif américain. Plutôt que de vous faire une description de ce que l’on trouve dans ce packaging (sold out malheureusement…) je vous invite à observer nos clichés tout en lisant ces modestes lignes où CJ nous explique pas mal de choses concernant le processus de création de l’album.
NMH – Tout d’abord, félicitations pour cet album fantastique qu’est Babel. En plus de cela, vous avez fait tellement d’efforts avec cette édition Deluxe en termes de… littéralement tout! La boite d’envoi est sérigraphiée, lorsqu’on l’ouvre on s’aperçoit que le carton du dessus l’est également avec l’artwork de Babel et même le papier de protection/d’emballage est sérigraphié avec de mystérieuses inscriptions. Pourquoi est-ce si important pour vous de mettre autant d’énergie dans tout ce que vous avez mis dans cette boite, du papier d’emballage jusqu’aux petits détails présents sur la nouvelle pièce Aeterno?
CJ – Ça a toujours été extrêmement important pour nous de nous pousser aussi loin que l’on pouvait avec chacune de nos sorties, à la fois avec la musique, le packaging et la présentation de l’album. Étant donné que nous possédons et opérons notre propre business de sérigraphie (A Thousand Arms), il n’y a vraiment pas d’excuses pour ne pas faire l’effort de sérigraphier autant de composants que possible.
Avec « Babel », ajouter des illustrations à chaque aspect a aussi joué un rôle dans le concept global de décadence criarde. Cela inclut le papier d’emballage et les cartons utilisés pour le packaging de l’édition Deluxe. Nous avons une fois reçu un commentaire d’un fan qui disait à quel point il était difficile de jeter le packaging d’un projet de Ranges, car il était sérigraphié. Nous adorons l’idée que le simple fait d’ajouter des illustrations sur le packaging de nos créations crée un dilemme où les gens se demandent s’ils doivent ou pas jeter ces parties.
Pour résumer, nous adorons créer des choses qui encouragent les gens et leur permettent de penser d’une manière différente.
NMH – Comment cet investissement est-il lié à la musique en elle-même?
CJ – Nous passons beaucoup de temps à s’assurer que la musique est exactement comme elle doit l’être, tout comme nous le faisons avec l’artwork et le packaging. Le processus d’écriture de Babel était vraiment un défi pour chacun d’entre nous, mais il valait bien les tensions et les frustrations lorsque nous avons finalement débuté les séances d’enregistrement.
Nous avons jeté une tonne de chansons et d’idées au début du processus d’écriture parce qu’elles n’avaient pas le son que nous voulions donner à Babel. Se décider sur le son que nous voulions donner à Babel a été également un gros obstacle pour nous, car chacun d’entre nous avait son idée sur le sujet. Finalement, nous avons trouvé le son que nous cherchions et je ne pense pas que nous pourrions être plus heureux aujourd’hui.
NMH – C’est la deuxième édition deluxe que vous proposez dans votre carrière, à quel point est-ce important pour vous? Parce que ce genre de packaging semble jouer un grand rôle dans le sens que vous voulez donner à votre groupe. Peux-tu expliquer un peu plus la philosophie qui se trouve derrière tout ça?
CJ – The Ascensionist est le premier album pour lequel nous avons décidé d’ajouter une édition deluxe parce que c’était le premier album que nous avons sorti en LP (vinyle). Tout ce que nous avions fait avant ce disque était seulement numérique ou CD et pour je ne sais quelle raison une édition deluxe ne semblait pas coller sans vinyle. Une autre raison pour avoir ajouté une édition deluxe est le fait d’avoir réalisé que nous avions une fanbase qui l’achèterait. C’était important pour nous de ne pas nous devancer en proposant un truc qui n’aurait pas son audience. Le succès de l’édition deluxe de The Ascensionist nous a prouvé que nous pouvions tout donner pour celle de Babel et ce fut vraiment gratifiant de voir les 33 copies partir durant les deux premières heures des préventes. Comme je l’ai mentionné précédemment, puisque nous avons la largeur de pouvoir étendre nos sorties à plus qu’uniquement de la musique, nous n’avons vraiment pas d’excuses de ne pas le faire.
Nous adorons également collaborer avec des créateurs qui partagent notre vision dans notre communauté et les packages deluxe sont une opportunité géniale de travailler avec eux. C’est un défi fun d’essayer de lier la musique post-rock à de la céramique, la sculpture du bronze, le travail du bois et bien plus, mais cela demande également une réflexion plus intense sur le sens de ces collaborations. C’est important pour nous d’être surs que chaque petit élément sert à atteindre un objectif dans nos esprits. Nous voulons toujours être certains que chaque partie de nos sorties fait sens et qu’elle n’est pas ajoutée au projet sans raison.
NMH – Une grande partie des groupes passent trop de temps à créer leur musique et passent à côté de leur artwork parce qu’ils se précipitent de trop sur la fin. L’artwork est, pour moi, tout aussi important que la musique. Alors, pourquoi êtes-vous si impliqués lorsqu’il s’agit de créer des visuels et comment sont-ils liés à la musique que vous créez en tant que groupe?
CJ – Nous ne pourrions pas être plus d’accord! L’artwork de l’album est absolument important en tant que partie intégrante d’une sortie et le fait que cela peut être une pensée qui vient après la musique pour certains groupes nous parait fou. Nous commençons toujours un album avec un concept et ensuite nous écrivons la musique et construisons l’artwork autour de ce concept. Nous sommes également dans une position unique où l’un de nos membres (Wilson) fait tout ce qui touche à l’artwork, la photographie et la vidéo pour le groupe plutôt que de jouer d’un instrument. Quand nous écrivons la musique il travaille sur l’artwork en même temps et c’est génial de voir comment la musique influence l’artwork en temps réel et inversement. Cela nous a pris pratiquement un an pour écrire Babel et l’artwork autant de temps si pas plus.
NMH – Comment né un tel projet? En équipe ou y’a-t-il un seul cerveau derrière tout ça? A quel point Wilson est-il libre de créer ce qu’il veut au sein d’un projet?
CJ – Le concept est toujours au centre de commencement de chaque album. De là, Wilson commence à travailler sur l’artwork et nous travaillons sur la musique. Joey (guitare) a pris un plus grand rôle dans le début du processus d’écriture et la majorité des morceaux de Babel vient des idées qu’il a amenées sur la table. Notre dynamique d’écriture nécessite que chacun d’entre nous laisse son égo de côté, ce qui nous permet vraiment d’être honnêtes lorsqu’il s’agit d’écrire la musique que nous voulons jouer et écouter. Ce n’est pas toujours facile, mais les résultats valent toujours les difficultés d’écriture.
Avec l’artwork, Wilson partage toujours ses idées au fur et à mesure pour que nous puissions être sur la même longueur d’onde à propos de l’apparence globale de l’artwork. La même chose peut être dite à propos de la musique et l’opinion de Wilson sur la façon dont les morceaux sont écrits. Il a autant à dire à propos de la musique que nous à propos de l’artwork.
NMH – Comment le mythe de la Tour de Babel vous a-t-il inspiré pour cet album? C’est un concept très intéressant, est-ce lié avec le fait que l’industrie musicale est parfois incompréhensible et si confuse? Où est-ce lié au post-rock qui, comme la plupart des genres, tourne un peu sur lui-même?
Comme toujours, nous aimons laisser l’interprétation de nos albums aux auditeurs. Il est important pour nous d’éviter de prêcher et d’en dire trop à propos du concept, nous voulons vraiment laisser chaque individu interpréter Babel comme ils le veulent. Même au sein du groupe, nous aimons laisser chaque membre appliquer le concept comme il l’entend.
NMH – Tout d’abord le café, ensuite la vodka, les liquides semblent être lié à Ranges, que sera la suite… une bière? De nouveau, vous avez fait tellement d’efforts dans ces extras, vous avez mes félicitations les plus sincères pour ça!
CJ – En fait, nous avions une IPA saison brassée par Bridger Brewing ici à Bozeman pour la sortie de The Ascensionist en 2017. Ce qui est génial c’est qu’ils la brassent à nouveau chaque automne et prévoient de continuer à la brasser chaque année. Malheureusement, tout comme la vodka, vous devrez venir ici à Bozeman pour en faire l’essayer, car nous ne sommes pas légalement autorisés à l’envoyer…
NMH – En offrant aux fans tous ces « produits dérivés » et toute cette mythologie derrière Ranges (les codes secrets et les shops online derrière chaque cassette par exemple), essayez-vous d’impliquer un peu plus vos fans dans votre musique? Essayez-vous de les amener plus proche de vous, d’une manière symbolique?
CJ – Honnêtement, nous aimons juste vraiment le défi d’ajouter un peu plus de mystère autour du groupe. La musique sera toujours l’élément le plus important et nous ne voulons jamais que ces petits extras fassent de l’ombre au groupe. Nous espérons plutôt que ces extras attireront plus de gens de la famille Ranges de sorte qu’ils fassent partie du projet tout entier. Jusqu’à présent, la participation des fans a vraiment été épanouissante et amusante à voir. Nous espérons que ça l’a été tout autant pour eux.
NMH – Que sera la suite pour Ranges? Peux-tu nous en dire un peu plus à propos de ce qui sera lié à cette nouvelle pièce Aeterno?
CJ – Il y a encore beaucoup de choses à venir avec Babel et encore plus lorsque Babel aura fait son chemin. En ce qui concerne les nouvelles pièces Aeterno, elles sont juste un commencement.
NMH – Il semble que vous avez trouvé un rythme régulier entre les sorties, avez-vous essayé de travailler sur de nouveaux projets? Ou une nouvelle tournée? A-t-on une chance de bientôt vous revoir en Europe?
CJ – Nous avons beaucoup de plans pour des sorties futures, mais nous n’avons pas encore commencé à travailler sur de nouvelles compositions. Babel a encore du chemin à faire et nous voulons nous assurer qu’il fasse suffisamment son temps avant de plonger dans le prochain projet. Pour les tournées, nous venons de rentrer d’une tournée dans le Midwest aux USA et au POST. Festival et nous sommes actuellement en train de travailler sur des plans pour une tournée en 2020 qui pourrait ou ne pourrait pas être en Europe.
- Propos recueillis par Guillaume