Certaines découvertes musicales vous marquent à vie. On ne connait pas une formation de prime abord et grâce aux liens tissés par notre rédacteur en chef, on reçoit l’album en avant première. Et là c’est le coup de foudre. Le vrai, celui qui va laisser une trace et me donner envie de me ruer sur les autres albums de la discographie de l’artiste. Le collectif Jaga Jazzist fait désormais partie de mes œuvres singulières, celles qui vont faire un bout de chemin de vie dans mon univers, pourtant déjà si peuplé de fantômes musicaux de tout genre. Et y laisser son empreinte en m’ayant ouvert de nouvelles voies. Pyramid va faire partir des grosses découvertes 2020 pour ma part.
Pourtant loin d’être des néophytes, Jaga Jazzist existe depuis 1994 et a produit sept albums, incluant le tout récent Pyramid. Composé de huit musiciens, la formation a pour force de faire cohabiter le jazz avec le post rock et cela paraît en plus naturel, comme si les deux mouvements avaient toujours été fait l’un pour l’autre. Après avoir écouté cet album, je me suis penché sur l’ensemble de leur carrière. Vingt-six années de créations complexes, entraînantes, lancinantes et abstraites. Car oui, je pense que l’adjectif qui résume au mieux cet ogre est abstrait.
L’œuvre s’ouvre sur « Tomita ». Un saxophone contemplatif nous introduit dans le désert de ce petit personnage. Bien que l’extrait vidéo ne dure que quatre minutes, la version intégrale approche les quatorze minutes en nous emmenant dans une chevauchée sauvage. Le jazz va doucement laisser place à un feeling plus progressif avec des petites pointes électroniques. L’orchestration est superbe. Le final ouvre la voie vers l’imaginaire.
Les huit minutes qui composent « Spiral Era » nous emmènent au-delà des montagnes hallucinées, au-delà de cette pyramide humaine, où il y a des oasis à perte de vue. Mais sont-ils des mirages ou bien réels ? Un propos lorgnant plus proche du post rock et des chœurs allégés finissent de nous faire planer. Bien que le morceau semble léger, il doit être assez complexe à interpréter. Ce morceau fait également la part belle aux claviers, un élément central même.
Cependant, la mélancolie guette sur « The Shrine ». De nouveau, un long morceau superbe et qui est un appel à la contemplation, des étoiles cette fois-ci, par une soirée bien chaude par exemple. Mais pas forcément une nuit calme, non. Car vers la moitié du morceau, la composition s’endiable et laisse un clavier psychédélique diriger le rythme, effaçant toute trace de mélancolie. C’est caliente, ça donne envie de se déhancher, ça envoie tout simplement. Cela rejoint bien également le coté abstrait que je mentionnais plus haut. Absolument génial et de nouveau très complexe malgré l’oreille « facile ».
On termine en force avec « Apex », très eighties dans l’approche et ses premières notes rapides me rappellent d’ailleurs les brillants Maserati (décidément, je reviens toujours à eux). L’intensité va monter petit à petit jusqu’aux frémissements. Cette fois-ci, plus question de jazz mais bien d’excellent post rock. C’est là que réside l’ingéniosité d’avoir un groupe composé de dix membres : l’univers est vaste et permet vraiment soit une fusion des genres soit un approfondissement total de l’espace et de son spectre. Le final de l’album part en vrille. On a qu’une envie : se le repasser.
Pyramid est une tuerie dont on se délecte tant de jour que de nuit, tant au soleil que sous la pluie, tant dans son salon que dans sa voiture, tant joyeux que triste où il remontera le moral. L’intensité finale est pure, en live, cela doit être démentiel. Je serai attentif pour aller les acclamer s’ils passent dans le coin et je ne peux que vous encourager d’en faire pareil. Sur ce, je vous laisse, je vais me remettre cette pépite dans les oreilles, au casque cette fois. Psychédélisme assuré.
Bonne écoute
- Tiph