Imaginez le pitch : Vous rencontrez une femme magnifique et vous avez de la chance, elle a accepté votre invitation au restaurant. Vous vous installez, le serveur arrive avec un grand sourire «Madame, Monsieur, que puis-je vous servir ? ». Vous répondez : « Eh beh je souhaiterais un Dillinger Escape Plan, qui sonne comme du Old Man Gloom, avec une sauce Mastodon mais attention, s’il vous plait, période Remission ou Leviathan (j’accepte aussi Blood Mountain allez), accompagnez-le d’un Conan bien lourd et coriace épicé à la The Ocean et oui si possible, qu’il ait comme une sorte de relent de Rosetta s’il vous plait ». « Mmh Monsieur est connaisseur je vois, j’ai ce qu’il vous faut, et vous Mademoiselle ? »
Le premier constat est que votre dulcinée en devenir s’est enfuie, vous êtes un putain de psychopathe qui commande de la musique à la place d’un steak frites salade.
Le second est que votre serveur vous a entendu et compris : il vous sert l’éponyme The Ditch and the Delta sur une assiette bien fumante.
Second album pour les Américains après un premier essai en 2017, TDATD balance la sauce littéralement et on en bouffe pendant toute la galette. On en redemande à s’en faire exploser la panse. Sept titres pour 37 minutes, c’est assez dense ce qui nous attend.
L’extrait et hyper explosif « Maimed » qui ouvre les hostilités n’est cependant pas forcément le reflet de son ensemble. Le groupe n’hésite pas à partir vers des choses plus progressives comme « Exile » ou « Aesthetics of Failure » avec un groove sludge mélancolique où les fantômes de Rosetta se seraient perdus en chemin.
Les très Mastodonien « Molt » et « Bleed The Sun » vous emmène rencontrer l’hologramme d’Aaron Turner (Isis, Old Man Gloom) dans le même style de chant quoique plus hardcore, forcément. Les genres baisent vraiment dans tous les recoins sur cet album (mais pas vous avec votre dulcinée par contre 😊). Il y a plein de subtilités dans le jeu du groupe, ça envoie, on headbang mais c’est lui qui décide quand. Il ne reste déjà plus que deux titres pour un peu moins de dix minutes à vivre. On sent déjà le goût de trop peu arriver.
« Hiraeth » et son coté post-hardcore ne sera pas pour déplaire aux inconditionnels de Rosetta non plus, le tout dans la dissonance. C’est doux mais ça vous explose en plein tête soudainement. Trois fois que j’écoute l’album, je n’arrive toujours pas à l’anticiper. On termine avec ce « Tectonic Selves », quatre minutes de trip un peu plus psychédélique post-hardcore que le reste de l’opus. Personnellement, l’un de mes titres favoris avec « Maimed ». Les deux dernières minutes de ce titre sont l’apocalypse sans concession. Ce qu’il reste de vivant doit mourir. Ce qui est mort doit mourir une seconde fois.
Avec un visuel sombre mais sobre, The Ditch and the Delta envoie une véritable claque grasse et bien huileuse, parfaitement dosée et bien produite. Le mélange parfait entre sludge progressif, hardcore et ce grain de folie est assez intéressant à suivre et je serai attentif de voir vers quelle évolution le groupe va se diriger. Il nous ramène à des bases. Comme par exemple des Mastodon les ont posées il y a presque vingt ans déjà. Le coté Conan se ressent peut-être moins aux premiers abords mais c’est plus l’esprit du groupe qui englobe la galette : on ne calcule pas (trop), on envoie tout. Sauve sa peau qui le pourra.
Et au lieu de mon traditionnel « bonne écoute »,
Bon appétit
- Tiph