Le 27 novembre 2019, nous avons eu l’immense plaisir de rencontrer Johannes Persson, chanteur de Cult of Luna lors d’une interview d’environ 35 minutes que nous avons retranscrite en intégralité ici. Nous n’avons rien enlevé, la conversation était tellement agréable que nous avons décidé de retranscrire tout comme cela a été dit, avec le naturel que cela implique. Nous espérons que vous prendrez autant de plaisir que nous en la lisant. Nous abordons des sujets tels que leur dernier album, la vie de famille, Coldplay et même le vin… C’est dire.
Anthony – Tout d’abord, merci pour ta simplicité et ta bonne volonté, ça nous touche vraiment que l’on puisse te rencontrer aussi facilement. Nous allons commencer par quelques questions sur votre dernier album. A la première écoute, j’ai vraiment eu le sentiment que vous avez essayé de mélanger les meilleurs éléments de vos précédents albums dans A Dawn to Fear. Je ne sais pas si c’était quelque chose de conscient, mais comment avez-vous pris en considération vos sorties précédentes pour faire votre nouvel album et était-ce volontaire ou… pas du tout?
J – Pas du tout… En fait je laisse ce genre de bonnes refléxions aux bons penseurs. Particulièrement avec cet album pour lequel nous n’avons pas nécessairement écrit autour d’une idée particulière. Nous avons juste écrit des trucs. Je veux dire, je vois ce que les gens racontent et évidemment j’essaie de faire le meilleur album possible et c’est ce qui est sorti! Avec toutes les combinaisons de trucs qu’on a pu sortir avant? Je ne sais pas… Je veux dire, ce sont les mêmes gens qui écrivent donc ce serait bizarre si ça sonnait autrement.
Mais je n’en veux à personne, ils écrivent leurs opinions et ils ont probablement raison.
Guillaume – C’est un peu la marque des grands groupes d’avoir leur propre son donc quand vous écrivez vos compositions, c’est logique que ça sonne comme Cult of Luna.
J – Oui c’est inévitable puisque c’est nous! *rire*
A – Il y a quelques semaines, vous avez sorti le court métrage complet qui se rapporte à A Dawn to Fear. Comment est-ce que la réalisation de films entre dans l’équation de Cult of Luna?
J – Eh bien la réalisation de films ne fait pas partie de l’équation Cult of Luna en général, mais pour moi, en tant que réalisateur… *rire* Ouais… *pause* Je ne voulais vraiment pas faire de vidéo, pas du tout. Je pense que, la plupart du temps, ces vidéos sont risibles. En général on ne sait pas avoir un bon budget pour les faire donc les gens font des vidéos juste pour que quelque chose sorte et fasse l’actualité.
Donc j’ai essayé de combattre le manager aussi longtemps que possible pour ne pas faire de vidéo *rire*. Mais même si c’est mon opinion, je comprends comment les choses fonctionnent dans le business et qu’on devait le faire. Je leur ai dit « ok, on va le faire, mais pas moi parce que je n’ai pas le temps, blablabla… » et ensuite il m’a proposé une série de réalisateurs et je me suis dit « Non… Je ne peux pas laisser notre musique entre les mains de ces gens-là, je ne leur fait pas confiance, c’est pas beau… ». *pause* Donc je l’ai fait moi-même! *rire*
Et ça m’a pris loooongtemps pour écrire l’histoire, c’était… Je ne sais pas combien de nuits je suis resté assis à réfléchir et à trouver des idées. Mais c’est pas grave, ma philosophie lorsque j’écris, que ce soit de la musique ou des films, c’est de continuer le processus quoiqu’il arrive parce que tôt ou tard tu perds le fil. Donc il faut trouver une idée et quand on a une idée il faut travailler dessus, et en fait… *rire* L’ordre que j’ai reçu d’Alexis (NDLR : leur manager) était de faire deux vidéos, avec deux histoires différentes et une histoire principale qui les relient, c’était une chose difficile à faire. Mais je connaissais le contenu des morceaux et des vidéos donc j’ai commencé à écrire une narration qui fonctionnerait bien.
En fait c’est lié à ta question précédente, j’essayais de connecter tout ce qu’on avait fait ensemble, j’essayais de trouver le fil rouge qui ferait tenir toute l’histoire. Finalement, tous ces aspects sont très subtils, mais il faut bien comprendre ce que tu fais pour pouvoir garder une sorte de tension. Tout était clair dans ma tête! Il y a beaucoup de références à ce qu’on fait et à toutes nos influences dans cette narration. La clé c’est le feu et la lumière donc… regardez-là à nouveau et voyez si vous trouver des références à nos précédentes sorties!
Le personnage principal, Jimmy, ce qu’il a fait, c’était incroyable. Il était dans le bassin pendant environ 4 heures d’affilée, c’était un champion parce que c’est très difficile de se laisser tomber, le dos en premier, dans l’eau, mais il l’a fait (NDLR : regardez la vidéo ci-dessous pour mieux comprendre les propos de Johannes).
G – Je suis assez surpris parce que je pensais vraiment que tu essayais de lier la musique avec « l’art » en général, la pochette, le livret, les vidéos…
J – Oui, oui, bien sûr, absolument, mais chaque album devrait avoir… *réfléchit* Un profil graphique qui est constant pendant toute sa conception. Je n’étais pas si constant, je pense que l’histoire est la chose la plus importante. Globalement c’est un film de 18 minutes sans dialogue et putain comme c’est dur à faire!
A – *rire* Nous avons vu récemment que le Roadburn t’a chargé de jouer avec James Kent de Perturbator, donc quelle est l’histoire derrière tout ça?
J – *rire* Ce n’est pas une longue histoire *rire* J’adore ses trucs, il adore mes trucs… Il est curateur du festival et Walter (NDLR : le directeur artistique du Roadburn) lui a demandé de faire un set inédit avec quelqu’un et il m’a demandé, et j’ai dit oui, et c’est tout *rire*.
G – Vous vous êtes vus récemment en plus, tu as posté une photo de vous deux sur Facebook je pense.
J – Oui, j’ai été à Paris pour entraîner trois morceaux avec lui. Ce qui représente environ 20 minutes, un tier du set en entier. On y arrive tout doucement, ce sont des morceaux que vous pouvez imaginer facilement puisque c’est vraiment lui et moi, en combinaison.
Pour être honnête, je suis très content de ce qu’on a déjà fait avec lui.
G – Je suis jaloux, parce que je ne pourrai probablement pas être là mais lui (NDLR : Anthony), oui… Bref… *rire* Tu es très actif sur les réseaux sociaux, lorsqu’il s’agit de défendre des opinions politiques, particulièrement en rapport avec les changements climatiques ou au moins partager des trucs en rapport avec ça. Je ne parle pas d »activisme », nécessairement…
J – Eh bien tu ne connais pas mes potes, putain qu’est-ce qu’ils sont actifs! *rire*
G – Oui, je ne parle pas de Roger Waters qui appelle les groupes à boycotter Israël dans leurs tournées mais ma question était plutôt de savoir si un artiste doit être engagé politiquement, selon toi?
J – Pfff… Les gens peuvent faire ce qu’ils veulent, mais je pense que si une plateforme t’es octroyée alors utilise là.
Je pense qu’il est très difficile de ne pas être politique, les gens qui le sont le plus sont les gens qui disent qu’ils ne le sont pas! Tout le monde l’est, d’une certaine manière. Je viens d’un background de punk et de hardcore, un milieu qui est très connecté à l’éthique et à la politique, c’est normal. Donc j’ai vraiment du mal à comprendre que d’autres groupes ne le sont pas. Je suis assez calme en fait, comparé à d’autres qui prêchent vraiment pour leur cause.
G – Pacifique!
J – Ouais! J’étais plus « droit dans ta face » il y a quelques années. Je pense donc que l’éthique et la morale ne sont pas si difficiles à appliquer, c’est…
G – Du bon sens?
J – Ouais…. Du bon sens mais… Une chose est certaine c’est que les idiots gouvernent Internet. C’est comme ça.
G – Parce qu’ils gueulent plus fort que les autres et sont en permanence sur Twitter et autres…
J – Je pense en effet que Twitter est la pire des choses jamais inventée!
G – Les gens l’utilise de la mauvaise manière…
J – Tu vois, comment peux-tu former une phrase cohérente en si peu de caractères… C’est fait pour que les gens se gueulent les uns sur les autres. Toutes ces personnes stupides ont toujours existées, le problème avec les réseaux sociaux c’est que ça leur a donné une plateforme. Je veux dire, même sans les réseaux sociaux tu peux sortir et gueuler dans la rue et les gens te regarderont comme si tu étais un fou ou une folle!
C’est comme ça qu’on devrait les voir, mais le problème c’est qu’ils se répandent de plus en plus. La manière dont je vois ce problème c’est… C’est un énorme défi pour notre système éducatif parce que… Enfin, je veux dire moi j’essaie d’apprendre à mes enfants d’être sceptiques à propos de tout.
G – De vérifier chaque information…
J – Ouais, exactement! C’est plus important parce que les gens disent (NDLR : sur un ton moqueur) « Moi je doute de tout, il faut douter de tout blablabla Ouais j’ai pas vu ça de mes yeux donc je sais pas si c’est vrai ouaiisss… » *rire* Il faut vérifier les faits. Ce que je veux dire, c’est que… Je suis humain, j’ai partagé l’une ou l’autre chose et des gens m’ont dit « Peut-être que du devrais vérifier cette info » et je me suis dit « Oh merde… »
G – Mais c’est difficile de dire « Désolé je me suis planté »
J – Oui, c’est ça, et j’ai le droit de dire que tu dis de la merde, comme tu as le droit de dire que je dis de la merde. Et crois-moi, tu as un fameux travail devant toi avec toute la merde que je raconte…
G – Je n’essaierai pas, ne t’inquiète pas! *rire*
J – Je suis d’accord avec ça, je suis d’accord de dire « Désolé, j’ai fait une erreur ». Ce n’est pas une faiblesse, c’est une force. Et c’est pour ça que j’aime la méthode scientifique, l’objectif principal de la méthode est de prouver aux gens qu’ils ont tort. Et même si tu as une idée géniale, les gens essaient de la réfuter mais n’y arrivent pas, puis ils essaient à nouveau et échouent encore… C’est ça qui est génial avec la méthode scientifique. *pause*
Ce n’est absolument pas comme ça qu’Internet fonctionne.
G – Quelque chose d’autre à propos du même sujet. Tu as fortement incité les gens à ne pas se rendre aux concerts de As I Lay Dying. C’était intéressant parce que des gens étaient d’accord avec toi, et d’autres non, et ces derniers étaient d’ailleurs très insultants envers toi, particulièrement en commentaires de blogs, en fait du genre « C’est qui ce gars, Cult of Luna personne ne les connait c’est qui? » *rire*.
Donc ma question est la suivante : doit-on séparer l’art de l’homme ou de la femme qui l’a créé? C’est un débat récurrent sur internet.
J – *réfléchis* Hum…
G – Il n’y a pas de bonne réponse, hein! *rire*
J – *rire* Non non mais… Je pense que c’est au cas par cas. Par exemple au concert d’hier, j’ai vu un gars dans le public qui portait un t-shirt de Burzum. Ca craint, c’est un fasciste c’est tout, c’est une personne… C’est un humain horrible (NDLR : Varg Virkenes, de Burzum). Je parle en mon nom, je ne veux pas promouvoir cette personne, je ne veux pas lui donner de l’argent, c’est comme ça que je le vois.
Maintenant, disons qu’un peintre du XVe siècle était pédophile..
G – Il est probablement mort.
J – *rire* Ouais, premièrement il est mort, c’est la chose la plus importante! *réfléchit*
G – Par exemple Wagner, qui est connu pour avoir été fasciste et antisémite…
J – Wagner était fasciste avant que le fascisme apparaisse, oui… Hmmm… *réfléchit* Je pense…
G – C’est une question compliquée.
J – Oui c’est compliqué et je pense qu’il faut parler au cas par cas. Est-ce OK d’écouter des chansons de Michael Jackson maintenant? Ce que je veux dire, c’est que je ne suis pas obligé! Pourquoi devrais-je l’être? Il est mort… Oui, il est mort mais « open source » pour beaucoup de gens…
G – Il y a un cas récent avec Die Antwoord, apparemment ils ont reçu des allégations de viol concernant le chanteur. Il aurait admit les faits…
J – C’est du même style qu’avec… *réfléchit*
G – As I Lay Dying?
J – Oui, c’est la même chose mais je ne connais pas l’histoire avec Die Antwoord donc je ne peux pas me prononcer. Mais pour moi c’est voir les artistes comme de vraies personnes et avoir les mêmes… *réfléchit*
A – Attentes?
J – Oui, exactement, avoir les mêmes attentes que tu pourrais avoir de tes voisins ou de tes amis. Et ne pas juste se dire « je suis heureux qu’il refait de la musique« . Non!
Premièrement, cette citation, que vous avez probablement vu passer… Je pense avoir été mal cité, peu importe parce que je garde la même opinion mais, ça a explosé, en quelque sorte, sur Internet. C’était un extrait d’une interview qui a été retirée de son contexte, ça disait globalement… *réfléchit*
G – Je me rappelle, tu l’avais partagée en disant « ce n’est pas ce que j’ai voulu dire »...
J – Non, non, non, ce n’est pas ce que j’ai dit, mais c’est ce que j’ai voulu dire! C’était une discussion que j’avais eu, comme avec vous ici, à propos du mouvement punk et hardcore et ils ont sorti mes paroles du contexte et ont grossi les traits. Fuck that (NDLR : Comment traduire ça, c’est tellement plus parlant en anglais!)! Je m’en fous.
Tu vois, pour en revenir à As I Lay Dying, j’aurais été OK si je n’avais pas vu cette putain de vidéo mielleuse d’eux qui parlent, et c’est tourné comme un soap opera, c’était vraiment douloureux à regarder. Tout ce dont ils parlaient c’est de lui! (NDLR : Tim Lambesis, leader de As I Lay Dying, qui a engagé un tueur à gage à l’époque pour tenter de tuer son épouse). Lui, lui, lui, lui! Comment il s’est amélioré, comment il… C’est bien, c’est vraiment bien, mais tu as oublié quelqu’un dans l’équation, la victime, que tu as essayé de tuer, putain!
Et on ne parle pas de fiction ici, tu as essayé de tuer un autre être humain, une mère de trois enfants! *s’adresse à nous* Et si vous êtes pères, je ne sais pas si vous l’êtes
G – Pas encore…
J – Tu dois comprendre la gravité de la chose!
G – Bien sûr qu’on comprend, ne t’inquiète pas! *rire*
J – *rire* Tu vois, j’ai deux enfants, la gravité d’essayer de faire ça c’est… C’est un truc qui ne peut pas être balayé par une vidéo débile, non! Je suis heureux qu’il est sur la bonne voie, absolument, mais tu as oublié une partie là-dedans. Ce n’est pas uniquement à propos de toi qui va mieux ou de toi qui aide les autres, cool, génial, mais d’où ça vient? Est-ce que c’est culturel? La culture macho? Qu’il était aussi victime de quelque chose ou autres?
Je pense que c’est très important que l’on parle de ces sujets plus larges et à quel point c’est important de… Et là je ne parle pas nécessairement d’eux mais… que c’est important de soutenir des causes. Si tu fais partie de ce genre d’histoire, alors donne de l’argent à des refuges pour femmes battues… Montre à quel point tu t’impliques!
G – Surtout qu’ils sont suffisamment connus que pour le faire!
J – Oh oui! Evidemment bien plus que nous! *rire* *réfléchit*… Parce qu’en fait ils ont l’air de gens sympas! Ils ont tous l’air! C’est pour ça que je ne comprends pas toute cette histoire, et peut-être que j’ai tort, en fait. C’est juste comme ça que je pense, que je le ressens.
*réfléchit*
Voilà… C’est tout *rire*
A – Merci!
G – Je ne sais pas si tu as vu ça, mais Coldplay a décidé d’arrêter de tourner pour des raisons environnementales…
J – *éclate de rire*
G – *rire* Que penses-tu de ça? A part du fait qu’on ne verra plus Coldplay sur scène.
J – Tu sais ce que je pense qu’ils pourraient faire de mieux que ça? C’est de continuer à tourner et de parler des problèmes environnementaux parce qu’ils ont une plateforme pour le faire! Je pense que c’est bien que les gens prennent des responsabilités personnelles. Je suis végétarien depuis 26 ans mais le problème du climat n’est pas quelque chose que nous changerons avec le pouvoir de consommation.
Non, c’est une chose bien plus grande que les politiciens pourraient… Bien sûr, il ne faut pas arrêter d’en parler, on tourne en avion tout le temps, c’est un problème qui anime nos discussions au sein du groupe, absolument, sans aucun doute. Mais je pense qu’il est plus important de mettre la pression sur les politiciens, les gens y arrivent lentement même si quelques idiots nient les conclusions de la science mais il y aura toujours un idiot du village, si pas plus d’un.
Donc… Oui, c’est cool, c’est génial, mais je pense que c’est plus important…
G – D’en parler?
J – Oui… Même si je n’ai pas une vision positive du future, nous sommes déjà condamnés je pense… Je veux dire, on survivra, mais notre style de vie actuel s’effondrera tôt ou tard. Je pense que ce sera dur, et nous commençons déjà à voir les conséquences mais il sera trop tard et ça prendra des centaines d’années pour que les choses reviennent à la normale.
Donc je suis un peu surpris qu’il n’y a pas eu des manifestations plus violentes.
G – Est-ce une aube à craindre? (NDLR : en référence à leur dernier album « A Dawn to Fear »)
J – Peut-être. Les morceaux ne parlent de ça mais on peut le voir différemment.
G – C’est à ça que j’ai pensé lorsque j’ai vu le titre de l’album.
J – Ce n’est pas à propos de ce genre de problèmes, non.
G – S’agit-il d’espoir également? Est-ce un nouveau commencement? Parce que l’aube est finalement un nouveau commencement…
J – Pas si le soleil n’est pas ton meilleur ami. *rire*
Non, c’est à propos de l’inévitabilité de la vie. C’est difficile d’en parler mais ce sont les choses que tu ne peux pas contrôler. Parce que même si la vie est merveilleuse et que tu vis heureux et longtemps, tu devras un jour enterrer tes parents, par exemple. Ça devra arriver, mais personne ne veut faire ça, personne ne veut faire face à ça. Nous voulons tous arrêter le temps, nous ne voulons rien perdre, mais ça arrivera, tu perdras tes parents, tu perdras des membres de ta famille, tu perdras… Et penser à cela me fait apprécier la vie beaucoup plus maintenant.
Je ne suis pas particulièrement heureux, mais je ne suis pas malheureux, et c’est très bien comme ça! Je pense que la pire des choses de notre époque est que les êtres humains s’efforcent constamment à être heureux, tout le temps. Ils essaient de trouver des moyens pour l’être… Eh bien tu n’es pas obligé!
G – Lire des livres de…
J – Oh… Oui si quelqu’un devait être pendu c’est le développement personnel! *rire*
Ne fais pas confiance à quelqu’un qui affirme avoir les clés de ton bonheur. Tu es le seul à savoir, tu ne peux pas changer grand chose, et donc tu dois apprendre à vivre avec et apprendre à te débrouiller avec tes différents soucis… C’est comme ça que je le vois, ce n’est pas compliqué. Attention, je ne parle pas d’alcoolisme ou des trucs chimiques, je parle du fait que tu es la personne que tu es, c’est trop tard pour changer. Tu peux essayer de devenir meilleur.
Par exemple, j’ai de gros problèmes de distraction, je suis très distrait, je perds des trucs tout le temps. J’essaie d’y remédier, mais j’ai appris que… *réfléchit*
G – Que ça fait partie de toi!
J – Que ça fait partie de moi, oui. Donc j’ai appris que tout ce que je possède est déjà perdu dans ma tête. Donc quand je l’ai perdu, c’est fini… Mon portefeuille, ça fait 2 ans que je l’ai et… c’est inédit! *rire* Voilà, c’est comme ça que je m’en sors.
G – La famille semble être importante pour toi.
J – Oui!
G – Comment gères-tu cette situation? Je veux dire, comment fais-tu pour être en même temps dans un groupe aussi « grand », tu fais beaucoup de tournée, tu travailles beaucoup pour Cult of Luna et tu sembles avoir une vie de famille très active aussi. Est-ce que c’est dur?
J – Eh bien, ce n’est pas si difficile pour être honnête. Les enfants vont dormir donc je peux travailler à ce moment-là. Mes enfants ont 7 ans et 6 ans et je ne suis toujours pas habitué à être père. Je réalise comment le temps passe vite et ils passeront 33% de leur vie à la maison en fait, puis après ils déménageront, j’espère… *rire*
G – J’espère!? *rire*
J – Ouais! J’essaie de passer autant de temps que possible avec eux. Mais ils savent ce que je fais et ça devient de plus en plus difficile pour eux comme ils grandissent. Quand ils étaient plus petits, ils ne faisaient pas attention à ça.
C’est plus dur pour eux, mais j’appelle à la maison tous les jours, je me tiens au courant de ce qu’il se passe. Qui s’est battu avec qui… Ces trucs-là.
G – Et de voir s’ils portent toujours le t-shirt de Khoma? C’était drôle à voir (NDLR : Johannes avait posté, sur Facebook, une photo de ses enfants portant le t-shirt de Khoma)
J – Ouais c’était drôle! Et en fait c’est devenu le t-shirt préféré de ma fille, pas parce que c’est mon groupe parce qu’elle n’en connait pas grand chose en fait… Mais oui *rire*
En fait je n’avais pas réalisé qu’on avait fait des t-shirts si petits, c’est un ami qui nous les a donnés.
G – Quelle est la chose que tu préfères faire, en tournée, pour t’échapper un peu du rythme effréné que cela implique?
J – Jouer aux jeux vidéos sur mon smartphone, ouais *rire*
Avec Kris (NDLR : Kristian Karlsson) on va à la salle de sport aussi. On a trouvé cette superbe salle ici à Anvers. On essaie de faire ça tous les deux jours, donc on a ça sur notre rider (NDLR : Pour ceux qui se demandent ce qu’est un rider : c’est la fiche technique d’un groupe, contenant aussi ses desiderata en matière d’accueil en loge et autres). On demande l’adresse de la salle de sport la plus proche.
J’essaie aussi de lire, mais je suis meilleur lorsqu’il s’agit de regarder des trucs que de les lire… J’ai ce livre suédois qui s’appelle « Dark City« . Il y a peut-être une petite référence à Cult of Luna là-dedans. *rire*
G – Est-ce que tu as un plaisir musical coupable? Tu sais on a tous des trucs un peu sombres, un peu étranges qu’on écoute…
J – Oh… J’écoute beaucoup de trucs qui sont loin de ce qu’on écrit. *réfléchit* Un plaisir coupable… Oh…
J’en ai pas honte mais bon… Même ma compagne vient me voir quand j’écoute ça et elle me dit « t’écoutes quoi là? » *rire* Empire of the Sun, je ne sais pas pourquoi j’écoute mais je le fais c’est tout. Ils arrivent à créer une ambiance un peu… spacy… bizarre… vraiment bizarre. *rire*
G – Coldplay? *rire*
J – *rire* J’adore leur premier album!
G – Nous aussi!
J – C’est juste pas ma tasse de thé, ils sont bon pour s’adapter à ce que le public veut, qui sonne parfois horrible mais ça marche pour eux donc… Ils se sont beaucoup écartés de leur premier album, qui est un beau et merveilleux album!
En ce qui concerne les plaisirs coupables… Je n’ai honte de rien!
A – Et c’est très bien!
J – Ouais! Empire of the Sun est peut-être le truc qui se rapproche le plus de ça, c’est comme de la disco des 70s. Il y a une certaine mélancolie dans leurs compos qui est chouette.
A – J’ai envie de les écouter maintenant!
J – N’hésite pas! Je peux te conseiller le premier album, les deux suivants aussi mais je les connais moins.
G – Nous t’avons vu jouer à ArcTanGent cette année et tu buvais du vin sur scène. Donc, quel est le meilleur vin de 2019 selon toi? *rire*
J – Puis-je répondre… Rosé (NDLR : en français dans l’interview!)? *rire* En fait, je ne suis pas un fan de vin, donne-moi une bouteille je m’en fous du prix.
Une des idées stupides que tu peux avoir c’est de commencer à essayer de comprendre le vin. Parce que tu peux devenir…
G – Snob (NDLR : Posh dans l’interview)
J – Non, mais je pensais plutôt à un mot qui commence par la même lettre, tu peux devenir si pauvre! *rire*
Y’a tellement de gens qui deviennent fans de vin… Je ne juge pas hein mais moi je ne rentre pas là-dedans. J’ai un seul vice dans ma vie, ce sont les vinyles, et j’ai commencé à diminuer aussi dans ce domaine-là.
A – Seulement 10000, pas plus!
J – *rire* Oh non, loin de là! Et j’en ai… un paquet, on va dire.
G – Quel est le meilleur endroit pour jouer sur scène…
J – *réfléchit*
G – … et pourquoi est-ce la Belgique?
J – Et pourquoi est-ce la Belgique, hmmm…
G – C’était une blague évidemment…
J – Non mais, je ne me rappelle pas de la dernière fois qu’on a joué en Belgique. On a joué… *réfléchit*
A – Vous avez joué avec Julie Christmas in Kortrijk.
J – Oh oui! C’est très différent, en fait. Bon, c’est une réponse de lâche mais je le pense vraiment, c’est différent et ça dépend de où tu es, ce n’est pas meilleur ou pire, c’est juste différent.
Une chose que je n’aime pas c’est quand les gens ont des conversations bruyantes pendant le concert.
A – Je crois qu’on déteste ça aussi!
J – Je ne crois pas que les gens comprennent que s’ils crient si fort que les gens aux alentours peuvent les entendre, alors nous le pouvons aussi, particulièrement pendant les morceaux plus calmes… Si tu dois absolument parler, sors!
Ce n’est pas un problème pour nous mais, par exemple A.A. Williams qui est une de nos premières parties en ce moment, c’est de la musique très douce… Eh bien c’est irrespectueux pour elle! Ferme ta gueule ou sors, va parler et reviens quand t’as fini.
Les gens sont aussi plus silencieux dans certains pays que dans d’autres.
G – Il ne faut pas aller bien loin, on est allé voir le groupe Archive à Bruxelles et deux jours plus tard je suis allé les voir à nouveau au Luxembourg. Et au Luxembourg, les gens n’avaient pas l’air d’avoir remarqué qu’ils commençaient à diffuser l’intro du concert et continuaient à parler fort alors qu’à Bruxelles c’était la folie dès les premières notes du style « ça commence!!!! » C’était complètement différent. On s’en fout de savoir si ta journée de travail s’est bien passée, casse-toi et laisse moi écouter la musique! *rire*
J – C’est ça! Va dehors et reviens après.
G – Allez, peut-être une dernière question. Peux-tu nous dire quelque chose que tu n’as jamais dit dans une interview?
J – *réfléchit* Hmmm… Je suis comme un livre ouvert…
G – Peut-être que tu as déjà tout dit!
J – Aaargh…. *réfléchit*
G – Tu n’es pas obligé si c’est trop difficile *rire*
J – Ok, je n’ai jamais dit ces mots avant : « Je bois de la bière Maes » (NDLR : prononcé Mééss). Et on ne me paie même pas pour dire ça! *rire*
G – Très bien! Merci beaucoup en tout cas pour ce chouette moment.
J – Merci beaucoup!
- Anthony & Guillaume