Chroniqueur cinéphile spécialisé dans les bandes originales de films.

« C’est un oiseau ? C’est un avion ? Non ! C’est … l’Homme d’Acier ! ». En avant pour la chronique de la B.O. de Man Of Steel, une sorte de « Superman Begins » qui, à l’instar du Batman Begins de Christopher Nolan, revient aux origines du mythe et le modernise. Inutile de chercher bien loin la volonté évidente de surfer sur la vague du succès déclenchée par la « Dark Knight Trilogy ».

Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que l’on retrouve Christopher Nolan à la production de Man Of Steel, dont la réalisation a été confiée au doué Zack Snyder. Car oui, on peut reprocher beaucoup de choses à Zack Snyder mais pas d’être un technicien sérieux qui a, en moins d’une dizaine d’années, imposé son style visuel à coups de couleurs délavées, de réalisation léchée ou de ralentis stylisés (300WatchmenSucker Punch). Bien sûr, pas tout le monde adhérera au genre mais Snyder y est fidèle, et c’est déjà une belle preuve d’intégrité.

Man Of Steel ne fait pas exception à la règle et, en ce sens, constitue indubitablement un spectacle de toute beauté, l’avantage de la photographie délavée voulue par Snyder permettant une excellente intégration des effets visuels (une image trop propre aura plus de mal à dissimuler les « ficelles »). Mais la maîtrise technique d’un film ne fait pas tout. Les effets spéciaux doivent être au service d’une histoire et non le contraire. Et c’est peut-être là que les choses se gâtent pour Man Of Steel.

D’un point de vue scénario, difficile de ne pas reconnaître la patte de David Goyer déjà à l’origine de la trame de Batman Begins. On y retrouve toutes les qualités et tous les défauts de son écriture : une vision moderne, sombre et réaliste, des seconds rôles attachants, des personnages féminins insipides (Amy Adams a beaucoup de charme mais cela ne suffit pas), une thématique-clé (le libre arbitre et l’épuration de la race pour Man Of Steel ; la seconde chance, la vengeance et la justice dans Batman Begins), des maladresses (l’esprit de Jor-El beaucoup trop tatillon pour être crédible), etc.

Autant dire que ceux qui ont aimé Batman Begins ont de fortes chances d’aimer Man Of Steel tant le traitement réservé suit la même orientation. La grande nouveauté cependant, c’est l’introduction du côté sombre de Superman (et son mal-être ; au passage, bravo à l’acteur Henry Cavill qui a su à merveille « humaniser » ce demi-Dieu). Là où Batman l’est intrinsèquement, les précédents films Superman ont bien souvent omis cet aspect au profit de l’illusoire triangle amoureux Clark-Lois-Superman, faisant plus basculer l’intrigue vers la comédie romantique plutôt que le comic pur (la série Lois & Clark : les nouvelles aventures de Superman illustre cette mouvance « rom-com »).

Aussi, Zack Snyder étant un homme « d’action », son Man Of Steel est davantage tourné vers la puissance et la violence des affrontements et des idéologies (Superman veut cohabiter, Zod veut détruire). Guère étonnant dans ce cas d’apprendre que la musique de Man Of Steel a été confiée à Hans Zimmer, déjà à l’origine des BO de la « Dark Knight Trilogy » (bien qu’épaulé par le brillant James Newton Howard – JNH pour les intimes – pour les pistes intimistes des deux premiers épisodes). De quoi faire criser tant le compositeur allemand divise dans le milieu de la musique de film en raison de l’approche uniformisée qu’il a dans ses oeuvres, impression renforcée par les disciples de son école (Remote Control Picture, ou RCP) qui pullulent aujourd’hui (Ramin Djawadi par exemple).

Ce n’est pas tant le compositeur Hans Zimmer qui est critiqué que ce que son nom implique dorénavant : un sound-design pesant et non pas une composition véritablement mélodieuse dans l’esprit de celle d’un John Williams. A cela s’ajoutent des raisons budgétaires (le style Zimmer est moins cher et moins contraignant lors de la phase de montage).

Bref, vous l’aurez compris : Hans Zimmer est loin de faire l’unanimité, certains allant même le qualifier de « McDo de la musique de film », dont l’auteur de ces lignes. Est-ce à dire que le monsieur n’a aucun talent ? Ho que non ! Bien que l’on puisse volontiers désigner votre servitude comme un anti-Zimmer endurci (ou plutôt anti-ce-que-Zimmer-représente-pour-le-public-aujourd’hui, à savoir le seul compositeur potable actuellement, ce qui est évidemment FAUX), force est de reconnaître qu’il ne s’en tire pas si mal que ça pour Man Of Steel.

A vrai dire, il ne quitte pas vraiment les sentiers battus et rabâchés dans les précédentes productions Nolan (« Dark Knight Trilogy » et Inception en tête) alors qu’il déclarait composer quelque chose de radicalement différent pour la musique (le son ?) du nouveau Superman. Le bilan de tout ça est une BO typiquement « zimmerienne » assez convaincante, et d’une efficacité redoutable. Pour l’une des rares fois dans sa vie, l’auteur de ces lignes est sorti de la salle de ciné en fredonnant le thème principal (cf. à partir de 2:40 de « What Are You Going To Do When You Are Not Saving The World ? » qui conclut le métrage). Pas un mince exploit, surtout qu’en la matière, John Williams demeurait le champion avec le célèbre leitmotiv du premier film de 1978.

Quant à savoir quel thème est le meilleur, passez votre chemin ! On ne compare que ce qui est comparable et rien n’est aussi différent, musicalement parlant, que John Williams et Hans Zimmer. John Williams cultive la fanfare glorieuse et naïve du personnage tandis que Hans Zimmer développe l’aspect plus torturé du super héros. Comme pour Batman Begins en fait. On est vraiment dans la même veine. La même orientation. Clairement, le terrain se prépare pour le futur Batman vs. Superman, annoncé en 2016. Il y a fort à parier que Hans Zimmer reviendra en force, avec toute l’efficacité qui le caractérise mais aussi son manque d’originalité. Là est le gros écueil à faire à la BO de Man Of Steel. Zimmer fait du Zimmer. Les travaux préparatoires faisaient vraiment miroiter quelque chose de révolutionnaire (surtout avec les noms de grands musiciens présents dans l’orchestre). Au lieu de ça, on a droit à quelque chose d’extrêmement classique de la part de ce compositeur aussi populaire. Il est loisible de reconnaître que des efforts ont été fait dans la recherche de sonorités particulières, surtout pour illustrer l’introduction sur Krypton, mais pas de quoi casser trois pattes à un canard.

Le CD et le film s’ouvrent sur « Look To The Stars » où émerge déjà le thème de Superman (ou du moins sa première partie) à partir de 1:04. L’utilisation de voix à partir de 1:46 confère à la musique cet aspect lointain d’une autre galaxie. Merveilleux pour évoquer la planète Krypton qui n’est pas franchement la porte à côté ! Hélas, comme pour nous le rappeler, Hans Zimmer retombe dans ses travers dès la deuxième piste de l’album, « Oil Rig », à base de percussions telles qu’on les entend un peu partout maintenant. Comme si elle en faisait la synthèse, la quatrième piste, « DNA » débute bien grâce un son plutôt recherché avant de céder le pas aux tics typiquement « zimmeriens ». C’est à peu près à ça que l’on peut résumer la BO de Man Of Steel : de bonnes idées ça et là mais vite plombées par un compositeur fidèle au style qui l’a fait connaître, grosse production Nolan oblige.

Cela n’empêche pas l’album de réserver de très bonnes pistes comme l’émouvant « Goodbye My Son », le puissant et aérien « Flight » (à partir de 1:30) ou les tonitruants passages accompagnant l’affrontement final (« You Die Or I Do » à partir de 1:53 ; « If You Love These People »). Rarement la puissance de Superman n’aura été aussi bien retranscrite à l’écran et en musique (une grosse faiblesse des épisodes précédents). Chaque décollage, chaque atterrissage, chaque coup, chaque rayon laser, chaque chute donne lieu à des scènes de destruction massive du plus beau rendu, magnifiées par des effets visuels très réussis car parfaitement intégrés. Zack Snyder maîtrise complètement cet aspect, même si cela est aussi impressionnant qu’abrutissant, et la musique de Hans Zimmer emboîte le pas. Diablement efficace, même si le film fatigue un peu le spectateur à ce stade en raison d’une longueur légèrement excessive pour le genre et l’histoire racontée (2h20).

 

Aussi, il n’était pas rare, lorsque le film est sorti en juin 2013, d’entendre de nombreuses critiques cinéma déplorer un blockbuster se laissant beaucoup trop aller à l’action facile dans sa deuxième partie alors que la première, qui traite de la psyché du héros, est beaucoup plus intéressante et passe trop rapidement à la trappe. Là a été l’occasion pour Hans Zimmer d’aborder une thématique beaucoup plus intimiste pour accompagner les errements du jeune Clark, de son enfance où il se découvre des pouvoirs à sa vie de jeune adulte ayant décidé de faire le bien après que son défunt père adoptif (joué par Kevin Costner) lui ait exposé les choix s’offrant à lui plus tard (en gros : dominer ou aider). Cela donne lieu à de jolies scénettes, pas franchement bouleversantes mais correctes, et parfois légèrement forcées (le coup du drap rouge), accompagnées par une petite version « piano » du thème principal.

Néanmoins, ce n’est pas là que Hans Zimmer brille le plus. A titre de comparaison, pour les besoins de Batman Begins et de The Dark Knight, les musiques plus calmes (ex. « Harvey Two/Face ») avaient été confiées à un maître du genre : James Newton Howard (notre bien-aimé JNH). Son absence se fait un peu sentir ici, la relative réussite de ces deux B.O. reposant pour l’essentiel sur cette collaboration assez inédite (qui ne se renouvellera pas pour The Dark Knight Rises cependant).

Mais ne boudons pas notre plaisir. Sans être la meilleure B.O. de l’année 2013 (qui est sans conteste Star Trek Into Darkness de Michael Giacchino), Man Of Steel remplit efficacement son office. Hans Zimmer ne s’est pas renouvelé autant qu’il a voulu nous le faire croire et une grande partie de ses compositions ne sortent pas réellement du lot. Restent quelques bonnes pistes, une efficacité indéniable sur les images et un travail intéressant sur la recherche qui a été faite concernant certaines sonorités. Il y a de quoi réconcilier un minimum les anti-Zimmer qui, le plus souvent, sont plus agacés par le quasi-monopole « zimmerien et consorts » des B.O. des grosses productions américaines actuelles que par Hans Zimmer lui-même.

 

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