Chroniqueur fan d'ambient, avant-garde, art pop, black music, classic rock, folk, jazz & fusion, progressif et soundtrack.

Cinéphile aguerri, rêvant de galoper dans de vastes étendues alors que le soleil se couche, intrinsèquement en extase devant les westerns depuis que j’ai l’âge de réciter l’alphabet, j’attendais The Revenant comme on attend le soleil en Belgique. Il faut dire que des westerns, j’en ai caracolé par centaines. Issus de différents courants, des plus académiques aux séries B frôlant le putassier, scrutant toujours la moindre sortie à me mettre sous la dent. Qu’on se le dise, aussi riche de thématiques et profond par son émotion qu’il soit, le western est un genre en perdition, retourné dans tous les sens et où il est par conséquent risqué et difficile d’offrir une vision fraîche.

Il s’agit en effet d’un des plus vieux genres cinématographiques, si pas le plus vieux, puisque apparu en 1895 dès le premier court métrage connu alors que les Etats-Unis allaient seulement sortir de la Frontière sauvage et vivre d’intenses bouleversements industriels et sociaux. Heureusement, depuis une petite décennie, des réalisateurs le ressortent de l’ombre, lui conférant parfois une vision moderne (Django Unchained), urbaine (Comancheria), voire totalement revisitée et à l’image de ce qu’Hollywood ne cesse de produire ces derniers temps (Logan).

Alejandro González Iñárritu, outre désormais de son statut de démiurge et esthète hors pair, s’est lui lancé dans une relecture complète du western survival ; le genre de film qui place un protagoniste dans un environnement hostile, à la merci de nombreux éléments extérieurs. Tourné pratiquement sans écran vert, Leonardo Di Caprio a vécu des souffrances physiques liées au climat semblables à celle de son personnage. Ah, et vous savez quoi ? Visuellement, ça claque du poney. Viscéralement froid, glacial, presque guttural tant tout (ou presque) y est déshumanisé, rares sont les westerns à avoir aussi bien retranscrit l’univers hostile et froid du Dakota du Sud, conférant ainsi au public une vision dingue du véritable périple désespéré de Hugh Glass que l’on pourrait sans peine nommer « Voyage au bout de l’Enfer blanc ».

Ensuite, c’est à la musique que l’on porte le deuxième ébahissement. Là où on aurait pu penser à une énième orchestration somme toute traditionnelle, Iñárritu attribue à son métrage une bande originale absolument inédite. Il demande aux musiciens, arrangeurs, compositeurs de musique électronique Ryuichi Sakamoto et Alva Noto, aidés par Bryce Dessner sur quelques morceaux additionnels, de produire une pure atmosphère ambiante loin des chevauchées sauvages, ballades ou autres cavalcades acoustiques et symphoniques. On se rapproche plus d’un Cliff Martinez sur Drive que d’un Ennio Morricone sur Il était une fois dans l’Ouest, grosso-modo ex abrupto parlant.

Un leitmotiv est néanmoins présent, propulsé d’emblée par « The Revenant Main Theme » qui ouvre l’album. L’ambiance s’installe ; sur des nappes fantomatiques viennent se poser des violons et autres effets d’atmosphère, de vent et de froideur dans l’optique de cristalliser cette ambiance hivernale. Sur « Discovering Buffalo », comme sur quelques autres pistes, on peut aussi entendre les violons qui s’entrechoquent pour faire monter un stress palpable de toute beauté. Sur la bonne vingtaine de pistes, on voyage avec le personnage, dans une tension mystique, avec pour seule compagnie cette majestueuse musique ambient qui surplombe la magnificence des images.

La mélodie est sacrifiée au profit de l’atmosphère et d’expérimentations sonores. Plus muet que bavard sur sa totalité, The Revenant jouit ainsi d’une musique profonde et riche qui va plus loin que le simple accompagnement. Très texturée, elle va magnifier les paysages enneigées et glacés tout en appuyant sur la tragédie qui s’opère à l’écran. Une toute grande partition, au même niveau que le film qu’elle sert de façon admirable, bleutée et ô combien mélancolique.

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