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« Et si Marvin Gaye » n’avait jamais sorti « What’s Going On » ?

Diantre, chers lecteurs, vous n’imaginez jamais ce qui s’est produit ce matin du 11 octobre 2017. Je me suis réveillé avec une migraine provoquée par mes digressions œnologiques. En soi, j’ai ingurgité plus de vin que mon petit foie ne peut contenir, et c’est en repensant à mes délires que même Bacchus aurait jalousés que m’est apparue une révélation divine.

Je me suis imaginé un monde jamais foulé par le génie de Marvin Gaye. Un monde chaotique qui n’aurait jamais dansé sur « Sexual Heating » et où personne n’aurait jamais fait l’amour sur « Let’s Get It On ».

Alors oui, j’ai sangloté. Avant de sauter sur un médicament, j’ai bondi sur l’album et je l’ai lancé. Ce fût une redécouverte totale. Les mystères de l’esprit et la crainte de l’abandon ; ou bien Alzheimer avant l’heure avec Freud qui me course au bâton avec vous-savez-quoi pour cible.

Et dire que je m’amusais récemment à discourir avec un ami sur l’idée folle qu’une machine à oublier puisse exister un jour. Imaginez : redécouvrir inlassablement ce bon vin qui… pardon, je veux dire redécouvrir inlassablement cet album qui a incendié de plaisir votre âme à tout jamais. Comme si c’était toujours la première fois.

Je blablate, je gagne des caractères, ma prose musicologique étant de plus en plus instable plus je gagne en maturité. J’adopte mon style, je navigue, puis je prends la route et je roule dans les rues sombres avec Marvin Gaye dans la voiture. Le monde me paraît alors plus éclairé, plus chatoyant, les fleurs restent fermées mais l’automne les console puisque la musique est bonne et de saison.

Les neuf pistes que contiennent ce disque me transcendent et m’irritent à la fois ; comment sortir de ma voiture pour me diriger dans mon bureau ? Une vie s’écoule à chaque écoute. La piste titre est déjà belle à en tomber, « What’s Happening Brother » amorce la suite de plus belle. « Flyin’ High », « Save the Children », « God is Love » forment un trio plus intense et efficace que les Super Nanas.

« Right On » me fait prendre conscience que Gaye n’a même pas besoin de chanter du texte pour être un Dieu. « Wholy Holy » me donne envie que le soleil se couche et que je me ballade avec ma douce au creux d’une digue bercée par une brise légère. Et « Inner City Blues » m’aide à affronter chaque obstacle.

L’enfant de la Motown Records a désormais grandi et il défie ses pères. Le son gentillet et mielleux a laissé place à l’aventure, à la psychanalyse du début des années 70 tourmenté par l’écologie et la guerre du Vietnam, à la recherche de l’intemporalité musicale. « What’s Going On » a bientôt 50 ans mais il n’a jamais paru aussi jeune et empli d’une énergie divine.

Je souffle, la migraine est passée, tandis que Marvin Gaye chante la soul music comme on respire, modulant sa voix pour que la voluptuosité soit intacte de bout en bout. Il soigne sa musique et se fait maudire des musiciens qu’il invite tant il vénère la précision et la justesse. Le piano et les vents en tête de gondole, la chaude basse et la rythmique pour soutenir le poids de la barque.

S’ajoute une production léchée comme jamais pour que Gaye donne vie à l’une des plus belles pages de la Musique et pour que son souffle céleste inspire ad aeternam des générations d’artistes de tout horizon.

  • Alessandro

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